dimanche 17 novembre 2013

Les accords de Munich


Les accords de Munich

Les ambitions militaires du IIIe Reich
Parallèlement à la mise en place d’un régime autoritaire en Allemagne lors de son arrivée au pouvoir le 30 janvier 1933, Hitler rompit aussitôt avec la politique de désarmement mise en place sous l’égide de la Société des nations, prenant une série de mesures qui mirent en péril la paix internationale et violant les clauses du traité de Versailles de 1919. Entre 1935 et 1938, Hitler reconstitua ainsi une aviation militaire et rétablit le service militaire obligatoire (mars 1935), occupa la Rhénanie (mars 1936), zone démilitarisée en vertu du traité de Versailles, se rapprocha de l’Italie mussolinienne avec laquelle il traça l’Axe Rome-Berlin (octobre 1936) et entreprit de rattacher à l’Allemagne les minorités germaniques. Il réalisa ainsi l’Anschluss le 12 mars 1938, annexant la totalité de l’Autriche, avant d’exiger la cession du territoire des Sudètes en Tchécoslovaquie sur lequel vivaient trois millions d’Allemands. Composée de différents peuples, la République tchèque, qui avait été créée à l’occasion des traités de paix de 1919 et 1920, occupait en Europe une position doublement stratégique, par sa situation géographique centrale d’une part, par la solidité de son gouvernement et de son économie d’autre part. Par ailleurs, elle était l’alliée de l’Union soviétique et de la France qui avait accordé sa protection militaire à la Petite-Entente – constituée en 1921 entre la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie, inquiètes des velléités expansionnistes de la Hongrie – et signé un traité d’alliance avec la Tchécoslovaquie en 1925. Ces éléments expliquent pourquoi les revendications sans cesse croissantes d’Hitler sur la région des Sudètes à partir de 1938 suscitèrent bien des remous au sein de l’opinion internationale, divisée sur les intentions du Führer et sur la conduite à adopter.

Munich ou la paix à tout prix
Afin de résoudre la crise, Hitler proposa in extremis, par l’entremise de Mussolini, une conférence entre la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Allemagne. Celle-ci se tint à Munich les 29 et 30 septembre 1938 en l’absence de la Tchécoslovaquie et déboucha sur des accords entre les représentants des quatre pays cités, Chamberlain, Daladier, Mussolini et Hitler, ainsi que le montre une photographie de l’époque qui représente la poignée de main qu’échangèrent Daladier et Mussolini. Ces accords, qui consacraient le démantèlement de la Tchécoslovaquie et le rattachement des Sudètes à l’Allemagne, malgré l’alliance conclue entre la France et la Tchécoslovaquie, furent motivés par une volonté de sauvegarder la paix en Europe et par l’incapacité des démocraties occidentales à constituer un front uni face à l’Axe. Plusieurs éléments dans la photographie des accords de Munich illustrent ce clivage qui existait entre le camp des bellicistes et celui des pacifistes : si Daladier et Chamberlain, debout côte à côte, portent des habits civils, Mussolini et Hitler, qui leur font face, sont revêtus, le premier de l’uniforme militaire, le second d’une vareuse ornée des insignes du parti nazi ; de même, la tête baissée de Daladier serrant la main à Mussolini qui, quant à lui, relève fièrement la tête comme Hitler, un sourire de satisfaction aux lèvres, suggère le sentiment de honte et d’impuissance que paraît alors éprouver Daladier qui, en acceptant de signer cet accord, ne fit qu’inciter Hitler à poursuivre sa politique d’expansion. Riche de sens, cette image traduit bien l’importance prise par la photographie durant l’entre-deux-guerres, grâce à la vogue des journaux illustrés. L’impact de ce procédé sur les mentalités s’avère d’autant plus fort qu’il est en mesure de montrer l’histoire en train de se faire et d’interpréter les événements à travers le choix d’un cadrage particulier.

La marche à la guerre
Largement diffusée comme nombre d’autres, cette photographie a ainsi pu contribuer à susciter des réactions diverses au sein de la population, partagée entre une impression amère de défaite et un sentiment de « lâche soulagement ». Ce dernier fut cependant de courte durée : loin de constituer une garantie pour la paix en Europe, ceux-ci furent rompus quelques mois plus tard par Hitler qui envahit la Tchécoslovaquie en mars 1939, puis signa le 23 août un pacte avec la Russie, qui avait été écartée des accords de Munich, et envahit la Pologne, alliée à la France (1er septembre) – agression qui entraîna l’entrée de la France et de la Grande-Bretagne dans la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs facteurs expliquent cette attitude passive adoptée par les dirigeants français et britanniques à l’occasion des accords de Munich et aussitôt dénoncée par les antifascistes comme une trahison et une abdication : en effet, si la France et la Grande-Bretagne sous-estimaient le danger hitlérien, la mauvaise conjoncture économique, les nombreuses tensions sociales, les divergences qui existaient au sein de l’opinion, partagée entre la lutte contre le fascisme et celle contre le communisme, l’opposition de la droite et de la gauche en France, les contradictions internes à ces partis et le traumatisme causé par la guerre de 1914-1918 doivent également être pris en compte pour bien comprendre l’état d’esprit des dirigeants de l’époque.

Josué Matthieu

 

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