Rommel,
Le Renard du désert
En février 1941, l'Italie se trouvait dans une mauvaise
position. En effet, l'armée italienne était tenue en échec dans les Balkans et
en Libye. Hitler ne pouvant risquer la perte de son allié italien, Benito
Mussolini, envoya un corps expéditionnaire allemand en Libye. Celui-ci était
placé sous les ordres d'un général qui ne tardera pas à se faire connaître pour
son intelligence et son astuce sous le nom de "Renard du désert" :
Erwin Rommel.
Le général Rommel arriva à Tripoli, par avion, le 12
février 1941. Transportés par navires, les premiers éléments du corps
expéditionnaire suivirent. Ces hommes formaient l'embryon de ce qui allait
devenir la Deutsch Afrika Korps. Rommel avait reçu ordre de protéger la
Tripolitaine. Il devait attendre la fin de l'automne 1941 – c'est-à-dire quand
les Soviétiques auront été vaincus – pour reconquérir la Cyrénaïque. Le général
Gariboldi avait remplacé, le 11 février, le général Graziani, découragé et
malade, comme commandant en chef en Afrique septentrionale. Cet homme était le
supérieur direct de Rommel. Mais, les deux hommes ne s'entendaient pas. Ils
n'avaient pas les mêmes méthodes, ni les mêmes buts, ce qui rendit les choses
compliquées.
Le jour même de son arrivée, Rommel se livra à une étude minutieuse
du terrain à bord de son avion de reconnaissance. Ses visites durèrent huit
jours et le convainquirent que la défense de la Tripolitaine devait s'effectuer
dans le secteur de Bouerat-Syrte, à environ 400 kilomètres au sud-est de
Tripoli. Là-bas, une plaine d'une cinquantaine de kilomètres permettait un
excellent emploi des blindés. Le général Gariboldi fit dégarnir le camp
retranché de Tripoli et envoya des troupes dans le secteur de Bouerat-Syrte.
Rommel envoya à l'avant un groupe de reconnaissance qui ne rencontra guère de
résistance. Le 16, il arriva à Syrte et, le 24, il accrocha pour la première
fois les Anglais. Rommel en conclut que les Britanniques n'avaient pas de plan
offensif et qu'ils n'utilisaient leurs forces plus que pour la défense des
passages entre la mer et les marais salants à El-Agheila et à Marsa-Brega. Il
fit acheminer du matériel en Libye et demanda à la Luftwaffe d'attaquer
continuellement les colonnes et les positions anglaises. La situation
s'améliorait de jour en jour et les hommes reprenaient confiance. Il n'y avait
plus aucune raison de demeurer passif. C'est pour exprimer sa volonté
d'attaquer qu'il s'envola pour Berlin, le 19 mars, après avoir monté une
offensive contre El-Agheila.
Du côté Britannique, tous les éléments que l'on n'estimait
pas nécessaire sur place quittèrent le désert pour rejoindre le delta du Nil.
On trouvait parmi ces hommes, les troupes victorieuses du général O'Connor qui
furent remplacées par des troupes inexpérimentées. La 6e division
d'infanterie australienne fut envoyée en Grèce et remplacée par la 9e
division du général Morshead. Cette division souffrait de remaniement. Deux de
ses brigades étaient parties pour la Grèce. Elles avaient été remplacées par
des brigades beaucoup moins bien entrainées. De plus, l'état-major demeurait
incomplet et manquait d'expérience. La 2e division blindée,
commandée par Gambier-Parry et disposant de maigres forces, avait relevé la 7e
division blindée. Pour couronner le tout, la RAF était affaiblie par les
combats qui avaient eu lieu sur les autres fronts.
Une fois à Berlin, Hitler remit à Rommel la Croix de fer
avec feuilles de chêne pour sa glorieuse campagne de France. Lorsque Rommel lui
demanda la permission de lancer une grande offensive en Afrique du Nord, Hitler
lui répondit de voir avec Von Brauchitsch. Ce dernier déclara que l'Allemagne
n'avait pas l'intention de porter un coup décisif en Afrique et qu'elle
n'enverrait aucun renfort supplémentaire. Il demanda à Rommel d'examiner à fond
la situation et de préparer son plan pour le 20 avril afin de le présenter à
l'état-major. Mais, d'ici là, les Anglais auront eu le temps de consolider
leurs positions. Rommel décida alors d'attaquer sans la permission de ses
supérieurs et avant que l'ennemi n'ait le temps de fortifier ses lignes.
Le 24 mars 1941, les défenseurs du fort d'El-Agheila
aperçurent un nuage de fumée venant de l'ouest. Une colonne de véhicules se
déplaçait et semblait vouloir les contourner. Les Allemands passaient à
l'attaque. Pensant que l'assaillant était supérieur en nombre, le commandement
Britannique décida de faire évacuer ses troupes vers Marsa-el-Brega et de
laisser quelques hommes fixer l'ennemi. La colonne aperçue par les Britanniques
était en réalité constituée de Volkswagen, déguisées en chars et trainant
derrière elles des madriers ou des bâches pour dégager le maximum de poussière
afin de leur faire croire à une attaque en force. 180 de ces véhicules avaient
viré sur la droite des blindés attaquant de face. Les Britanniques furent surpris
car ils ne croyaient pas les germano-italiens assez puissants pour attaquer.
Après la prise d'El-Agheila, l'offensive se poursuivit. Le
31 mars, Marsa-el-Brega tombait avec ses précieux points d'eau. Les colonnes
anglaises battaient en retraite vers Agedabia. Rommel se lança à leur
poursuite. Il prit Agedabia le 2 avril et décida de lancer ses troupes à
l'attaque de la ligne Derna-Berta-Mechili, fortifiée par les Britanniques. S'il
parvenait à s'emparer de cette ligne, le profit serait alors énorme. Le général
Gariboldi s'opposa à son plan qu'il jugeait inexécutable. Mais Hitler, voyant
que l'offensive de Rommel réussissait, lui laissa la liberté de manoeuvre. Le
général allemand décida d'opérer un mouvement tournant sur la piste Agedabia-El
Gaisa-Ben Gania-Tengeder-Mechili. Quand Gariboldi apprit cela, il répliqua que
cette piste était impraticable. Rommel partit en reconnaissance et la jugea
difficile mais praticable. D'ailleurs les Anglais l'avaient franchi alors
pourquoi pas eux ? Rommel lança ses troupes dans le désert vers cinq directions
différentes. Il voulait constituer un vaste râteau destiné à pousser les
Anglais dans le secteur de Mechili où il pourrait les anéantir. Le 3 avril, le
général Wavell vint inspecter en personne les troupes anglaises stationnées à
Benghazi, accompagné de son meilleur spécialiste de la guerre du désert, le
général O'Connor. À la suite de cette inspection, il fut décidé d'évacuer la
ville. Wavell laissa O'Connor à titre de conseiller au général Neame,
commandant les troupes de Cyrénaïque. Dans la nuit du 3 au 4 avril, Benghazi
tomba aux mains de Rommel sans la moindre difficulté. La confusion régnait dans
les lignes britanniques. Les réserves de carburant de Msous avaient été
détruites.
Le 6 avril, Mechili, important centre de communications
britannique, était atteint. La 7e division australienne, seule
formation encore intacte à l'ouest de Mechili, se repliait sur la ligne
Derna-Mechili. La 2e division Blindée avait cessé d'exister en tant
que formation blindée. Les Allemands se regroupèrent autour de Mechili et, le
7, envoyèrent un petit détachement commandé par le colonel Ponath pour couper
la route côtière près de Derna. La retraite des Britanniques s'accéléra. Les
Australiens parvinrent à atteindre Tmimi sans tomber dans le filet tendu par
les Allemands. En revanche, tous les éléments alliés encore à l'ouest étaient
voués à la destruction, excepté quelques groupes qui réussirent à s'enfuir. Les
généraux Neame et O'Connor, roulant de nuit entre Maraoua et Tmimi, perdirent
contact avec leurs hommes, quittèrent sans s'en apercevoir, dans la poussière
et l'obscurité, le gros de la colonne et s'égarèrent. Ils furent fait
prisonniers par les Allemands. À Mechili, le général Gambier-Parry, à la tête
de ce qui restait de la 2e division blindée, se trouvait pris au
piège avec la 3e brigade indienne. Gambier-Parry rejeta les offres
de capitulation que lui proposèrent les Allemands. Le 8 avril, les Britanniques
tentèrent une sortie mais seul quelques éléments parvinrent à s'enfuir. Finalement,
Mechili tomba aux mains des Allemands. Le général Gambier-Parry et ses hommes
étaient fait prisonniers.
Le commandement britannique pensait que les Allemands ne
pourraient pénétrer en Égypte aussi longtemps que Tobrouk resterait aux mains
des Anglais. En effet, par le fait qu'elle soit située en arrière des lignes
avancées, Tobrouk permettait aux troupes de Wavell d'attaquer les convois de
ravitaillement et de mener la vie dure aux forces de l'Axe. Sa prise était
ainsi nécessaire et Rommel fut contraint d'arrêter son offensive. De plus, la
possession du port de Tobrouk et de ses installations permettrait aux Allemands
de résoudre leurs problèmes logistiques. La ville était tenue par 30 000 hommes
environ sous les ordres du général Morshead et ravitaillés par le port qui
continuait à fonctionner malgré les bombardements. La résistance s'organisait.
Les anciennes défenses italiennes étaient remises en état. D'importants stocks
d'eau, de munitions, de vivre avaient été rassemblés. Le 11 avril, Tobrouk
était encerclée.
Le 12, dans l'après-midi, la division Brescia donna le
signal de l'attaque. Vers 16h30, la 5e division légère partit à son
tour à l'assaut. Les chars de Rommel se trouvèrent arrêtés par un fossé
anti-char que les Allemands furent incapables de détruire. Les défenses
britanniques de Tobrouk s'étendaient beaucoup plus à l'ouest, à l'est et au sud
de la ville que Rommel l'avait supposé. Rommel prit donc la résolution
d'attendre l'arrivée de renforts avant de lancer une nouvelle attaque quelques
jours plus tard.
Le 13 avril, la 5e division légère reçut l'ordre
de pénétrer avec des éléments de reconnaissance à l'intérieur du périmètre
fortifié, si possible jusqu'au carrefour de Sidi Mahmoud, et de faire sauter le
fossé anti-char. La division Brescia devait détourner l'attention de l'ennemi
en l'immobilisant par son feu dans le secteur ouest. Les manoeuvres de
reconnaissance de la 5e DL échouèrent. Vers 18h, le 8e
bataillon de mitrailleur du lieutenant-colonel Ponath attaqua. Son objectif
était de neutraliser les obstacles anti-chars et de créer une tête de pont à
l'intérieur du périmètre fortifié. Appuyé par l'artillerie, il parvint à
pénétrer dans le système défensif ennemi et à constituer une tête de pont.
Ainsi, les conditions préliminaires à l'attaque prévue pour le lendemain se
trouvaient remplies.
Le 14 avril, à 0h30, l'attaque fut lancée avec le soutient
de l'artillerie. Elle fut rapidement stoppée. Rommel fit alors retarder
l'assaut contre Tobrouk et tenta de reprendre contact avec le bataillon de
Ponath. Dans la nuit du 14 au 15, le contact n'avait toujours pas été rétablit
avec le bataillon dont une grande partie avait été anéantie et son chef tué.
Le 16, à 17h, les chars de l'Ariete partirent à l'assaut de
la cote 187, près du Ras el Madouer. Au lieu de contourner la colline par le
sud, les équipages de chars se dirigèrent vers le sommet de la cote où ils
s'arrêtèrent. Les canons britanniques prirent alors la colline pour cible et
les chars italiens durent se replier afin de se mettre à l'abri. Rommel demanda
à l'Ariete de reprendre la progression en direction du Ras el Madouer mais son
commandant refusa. La prise du Ras el Madouer devenait de plus en plus
importante car l'ennemi, depuis cette position, menacer les voies de
communication passant par Acroma.
Le 17 avril, l'Ariete, dont le gros des troupes n'avait
jamais essuyé le feu de l'ennemi, ne possédait plus que 10 chars sur les 100
dont elle disposait au début de la campagne. Tous les autres avaient été
immobilisés à cause de problèmes mécaniques. Les attaques, lancées le 17 avril,
furent une fois de plus en échec. Rommel était désormais convaincu qu'il ne
pourrait remporter un succès contre les défenses ennemies avec les forces dont
il disposait. Il décida de remettre l'assaut à plus tard, c'est-à-dire après
l'acheminement de renforts et de matériel. En attendant d'être prêt, il soumit
ses troupes à un entrainement intensif.
Le 30 avril, l'assaut contre le Ras el Madouer commença,
vers 18h30, par une attaque de l'aviation allemande. Puis, l'artillerie
allemande ouvrit le feu à son tour. L'attaque fut lancée. Au nord et au sud du
Ras el Madouer, le front fut crevé sur une profondeur de 3 km. Les Britanniques
se défendirent avec acharnement. Vers 21h, le sommet de la colline était conquis.
Mais, le 2 mai, il devint clair que les troupes de Rommel n'étaient pas assez
fortes pour lancer l'attaque d'envergure qui eut été nécessaire. Le général
Rommel dut abandonner, une fois de plus, l'attaque.
Rommel organisa alors ses troupes en deux groupes : les
troupes non motorisées, à qui il confia la mission de s'occuper de fronts
statiques comme Tobrouk, et les troupes motorisées, devant rester disponibles
pour des missions offensives et défensives. Entre-temps, le 25 avril, les
Allemands s'étaient emparés d'Halfaya et les Britanniques avaient été repoussés
jusqu'à Marsa-Matrouh, en Égypte. Rommel avait mis la main sur une importante
quantité de ravitaillement. Fin mai 1941, les Allemands étaient maîtres de
toute la Cyrénaïque, excepté Tobrouk.
Josué Matthieu
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