L’histoire du 3ème Reich (3)
Au sommet de l'État, immédiatement après Hitler, ce sont Himmler, Heydrich et Göring qui ont pris la part la plus importante dans la mise en place administrative de la Shoah au sommet de l’État. Sur le terrain, l’extermination des juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant parfois au-devant des attentes et des décisions du Führer. Elles ont été notamment l'œuvre d’officiers de la SS et de gauleiters fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les éléments indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters Albert Forster à Dantzig, Arthur Greiser dans le Warthegau ou Erich Koch en Ukraine ont ainsi particulièrement rivalisé de cruautés et de brutalités, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans. Deux proches collaborateurs d’Hitler, Hans Frank, gouverneur général de la Pologne, et Alfred Rosenberg, ministre des Territoires de l’Est, ont également pris une part active au grand massacre.
Beaucoup d'« Allemands ordinaires » ont été à peine moins compromis que les SS dans les massacres sur le front de l'Est. Plus d'un policier de réserve, plus d'un jeune soldat ou d'un officier avaient intégré le discours nazi, sans parler des généraux de Hitler. Des milliers donnèrent libre cours à leur violence et à leur sadisme dès qu'ils furent autorisés et encouragés à humilier et à tuer au nom du Führer. À travers toute l'Europe, d'innombrables « criminels de bureaux », à l'image du bureaucrate Adolf Eichmann, exécutèrent sans état d'âme particulier les desseins de leur Führer ou de gouvernements collaborateurs. Dans les camps d'extermination, ainsi que le rappellent les mémoires du commandant d'Auschwitz Rudolf Höss, responsable de la mort de près d'un million de Juifs, il était impensable à quiconque, du simple garde SS au chef du camp, de désobéir à l'ordre du Führer (Führersbefehl), ou de s'interroger un seul instant sur la justesse de ses ordres. A fortiori, il était hors de question d'éprouver le moindre scrupule moral. Aucun des « bourreaux volontaires de Hitler » (Daniel Goldhagen) n'a jamais été contraint de participer à la Solution Finale : un soldat ou un SS dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou il obtenait facilement sa mutation.
Personne au sein de son système ne découragea donc Adolf Hitler de procéder à la Shoah. En 1943, l'épouse de son ancien ministre Konstantin Von Neurath, choquée de ce qu'elle avait vu du camp juif de Westerbrok en Hollande occupée, osa exceptionnellement s'en ouvrir au Führer : ce dernier la rabroua que l'Allemagne avait assez perdu de soldats pour qu'il soit obligé de se soucier de la vie des Juifs, et la bannit à l'avenir du cercle de ses invités.
Dans l'ensemble, les chefs et opinions alliés, le pape Pie XII ou une partie de la Résistance européenne ne prirent pas conscience de la gravité spécifique du sort des Juifs, et gardèrent plutôt le silence sur leur sort, ce qui aida sans doute indirectement Hitler. De même que la non-résistance d'une partie importante des Juifs affamés, désorientés et ignorants du destin qu'il leur réservait. En avril-mai 1943, en revanche, la révolte du ghetto de Varsovie plongea Hitler dans une colère prolongée, mais ses ordres furieux et répétés n'empêchèrent pas une poignée de combattants juifs de faire échec plusieurs semaines à la reconquête SS.
Après l’été 1941, Himmler retint le procédé d’exécution massive par les chambres à gaz testé à Auschwitz. Au total, près de 1 700 000 juifs, surtout d’Europe centrale et orientale, ont été gazés à Sobibor, Treblinka, Belzec, Chelmno et Maïdanek. Dans le seul camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, 1 000 000 de juifs ont péri.
Les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée — 5 à 6 millions d'êtres humains dont 1.5 million d'enfants, tous n'ayant commis que le crime d'être né juif et ne représentant aucune menace sinon imaginaire — ont donc péri dans une entreprise de nature sans précédent. Sur les 189 000 Juifs qui vivaient à Vienne avant Hitler, un millier de survivants en 1945, tout comme seulement une poignée des Juifs restés en Allemagne en 1940. Les Pays-Bas ont perdu 80 % de leurs Juifs, la Pologne et les pays Baltes plus de 95 %. En deux ou trois ans à peine, l'extermination a fait disparaitre des familles entières. Dans une large part de l'Europe, c'est en fait toute une culture, tout un univers qu'Adolf Hitler a fait assassiner sans retour.
Hitler n'a pas dit un mot des Tziganes dans Mein Kampf et en tout état de cause, il ne nourrit pas pour eux l'obsession qu'il éprouve pour les Juifs.
Son régime persécute et interne les 34 000 Tziganes du Reich dès avant-guerre, et les prive de leur citoyenneté allemande, mais moins au nom de raisons raciales (les Tziganes sont originaires des mêmes régions que le berceau supposé de la race « aryenne ») qu'en tant qu'« asociaux ». Ce qui n'empêcha d'ailleurs pas de s'en prendre aussi à ceux d'entre eux qui sont parfaitement bien intégrés dans la société allemande, dans laquelle beaucoup disposaient de logements, de métiers ou de décorations acquises au front. L’« Office central pour la lutte contre le péril tsigane » fut l'instrument de cette répression. Paradoxalement, la tribu des Senti, censés de ne pas s'être abâtardie, fut épargnée, au contraire des sangs mêlés en partie nés de non-Tziganes « aryens ».
L'extermination d'environ un tiers des Tsiganes européens ou Porajmos pendant la guerre n'a pas revêtu le caractère systématique et général du génocide des Juifs. A suivre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire