jeudi 21 novembre 2013

La sortie, c’est pour bientôt !


La sortie, c’est pour bientôt !

Dans la nuit du 10 et 11 Juin 1944, la Brigade doit s'ouvrir de vive force, en direction du Sud- Ouest, un passage au travers des lignes allemandes. Les Sapeurs percent et jalonnant un couloir dans le champ de mines à la porte du ''Pacifique''. Le travail est dur, la nuit très noire, malheureusement la trouée étroite ne laisse passer que deux voitures de front, et débouche à la corne d'un marais de mines. Pendant ce temps, les unités d'infanterie se massent pour l'assaut et les véhicules se rassemblent. A 22 heures 30, la Colonne motorisée est prête, mais les formations à pied qui doivent démarrer les premières ont pris du retard.

A minuit 30, les 2ème et 3ème Bataillons de Légion ont déjà traversé le couloir, tandis que le B.P. 1 franchit l'obstacle par une chicane à l'Est du fort. Les véhicules s'avancent précédés par les Brenn carriers. Le bruit alerte l'ennemi qui lance des gerbes de fusées, et commence à tirer, le plan de feu est impressionnant, les mitrailleuses lourdes crachent leurs rafales lumineuses, les obus éclatent, les véhicules sautent sur des mines, les camions flambent et le tir se concentre sur ces torches.

Pour la première fois Français et Allemands entendent le crépitement terrifiant de six mitrailleuses M.6.42 que des permissionnaires viennent d'apporter en Libye, elles tirent des rafales de plusieurs coups à la seconde. La confusion est immédiate, les unités refluent et se mélangent, et le temps s'écoule. Le Général Koenig donne le signal du départ, il démarre à fond de train, phares éteints, en tête du convoi motorisé qu'il entraîne, derrière les Brenn carriers de l'Aspirant Bellec, le reste de la colonne suit dans une allée de lumière créée par les embrasements. Le Commandant Laurent-champrosay mène ses Artilleurs vers le lieu de rendez-vous, à dix kilomètres de là, les hommes à pied, effrayés par les balles traceuses et les incendies, s'abritent derrière les camions pour progresser.

Près du couloir, gît le Capitaine Mallet, tué par l'explosion d'une mine, il venait de reconnaître la passe par laquelle ses camarades s'éloignent. Le Général Koenig m'a donné, la mission de guider les détachements vers l'étroite issue déminée. La Colonne motorisée s'écoule par paquets de dix à quinze véhicules entraînés par des officiers. Le Lieutenant de Vaisseau Iehlé, les Enseignes de Vaisseau Colmay et Bauche arrachent successivement leurs Groupes à l'enlisement de la peur : il faut passer coûte que coûte.

Au delà du champ de mines, le spectacle est hallucinant et la bataille gagne en intensité.

C'est alors la fuite en avant, les actes de courage sont nombreux, chacun conquiert sa liberté dans une mêlée au corps à corps. Le Lieutenant Dewey, avec ses Brenn carriers, se rue sur les nids de mitrailleuses, il charge jusqu'à la mort, son engin éventré, achevant sa course sur le canon de 50 qui l'a frappé. Le Capitaine Gufflet du 1er R.A. est atteint dans son véhicule blindé au moment où il dit « toutes les balles ne tuent pas » ; le capitaine Bricogne s'en va à pied, une arme à la main, on ne le reverra jamais plus, grièvement blessé, il meurt exsangue dans l'ambulance qui l'emmène en captivité.

Plus heureux, le capitaine Simon, dont le Pick-up s'est effondré dans un trou, sauve avec le Lieutenant Gambier, un Marsouin, puis à son tour, est recueilli par le conducteur du Train René Duval et son camarade Mottet.

Des Groupes se forment, bien décidés à sortir. Derrière les Brenn carriers du Sergent- Chef Oberauch, enfin débarrassés du boudin de fils de fer qui entrave ses barbotins, les ambulances du Médecin commandant Vignes et du Docteur Guillon s'enfoncent dans la nuit, guidées par la voie lactée qui mène à la délivrance. La dernière sanitaire saute sur une mine et brûle, son chauffeur sort des flammes, les blessés dont le Lieutenant André moribond, tous ont reçu double dose de morphine. Un camion déjà plein d'hommes, à qui s'accrochent des grappes humaines, roule dans l'obscurité, à chaque cahot un soldat s'effondre, le Capitaine Lalande et le Capitaine Messmer portent un Fusilier-marin blessé tout en discutant de l'utilité de connaître la langue allemande. Au passage on s'interpelle ''bonne chance Père Hirleman'' ''bonjour Radig'' ''à bientôt Rached'' . Deux heures du matin, un Bofors tracté bouche le passage, la barbe du Père Lacoin s'agite, une dernière poussée à bâbord et le tracteur arrache la pièce et sélance emmenant ses ''sakhos'' .

Le Capitaine de Lamaze, dont la Compagnie s'est égayée, me demande l'axe de marche, azimut 213, avec un groupe de Tahitiens et le Légionnaire Hardeveld, il s'en va dans la nuit claire. Un peu plus loin, une balle de mitrailleuse lui coupe l'artère fémorale droite, le Docteur Prochasson le recueille dans son camion, mais il meurt d'épuisement ''dites à mes parents et faites savoir à mes Légionnaires que je suis mort en soldat et en Chrétien'' sont ses dernières paroles.

Une Section de la 9ème Compagnie passe, en ordre, commandée par le Sergent-chef Pavitchevitch qui remplace l'Adjudant Ungerman blessé le 9 Juin (1).

Il est alors plus de 3 heures 30, les deux Compagnies d'arrière-garde du B.M.2 arrivent à la porte du champ de mines, elles ont réussi leur décrochage malgré la proximité de l'ennemi. Peu après se présentent les Brenn carriers du Sous-lieutenant Mantel, ils sont chargés de blessés et s'en vont vers la liberté. A quatre cents mètres de la position, le Chef de Section fait faire demi-tour à son Brenn Carrier et revient me chercher : nous sommes seuls, je lui confie ma boussole. Le ciel devient plus clair, l'aube, qui commence à poindre, amène le brouillard, et il fait froid malgré la capote endossée pour cette dernière nuit. Des véhicules égarés, circulent dans tous les sens. Nous traversons trois lignes allemandes d'où partent des rafales, puis des positions de batterie.

Une partie de la garnison trouve, enfin, le lieu de rendez-vous signalé par un bidon rempli de sable et d'essence en flamme. ''A côté du signal stationne un Military Police avec sa casquette rouge, aussi impassible dans le désert qu'un ''bobby'' en faction dans une rue de Londres'' raconte le Lieutenant Beauroir. Cent camions de la 101ème Compagnie du Train, et trente ambulances attendent, protégés par une Colonne de la 7ème Blindée Anglaise. L'Adjudant Maillet, accompagné de l'Adjudant Rouillon du 1er R.A, conduit son camion atelier avec en remorque, un tracteur de dépannage, le ''Bouledogue'' traînant un canon Bofors sur lesquels sont accrochés, en grappes, quatre-vingt survivants. Les deux conducteurs indochinois du Général sont là, avec le camion P.C. intact (2), le Médecin-Lieutenant Gosset panse les blessés, et les Britanniques servent du thé et un en-cas. Le Régiment d'Artillerie, très éprouvé, fait le compte de ses pertes, le Sous-lieutenant de Rauvelin, les Aspirants Rosenwald et Chambon sont tombés avant la sortie, le Lieutenant Bourget, serre-file, est tué, et le Lieutenant Kervizic porté disparu.

Quelques isolés rejoindront plus tard, retrouvés par des patrouilles d'automitrailleuses, d'autres perdus seront pris ou périront dans le désert(3), ainsi le Sous-lieutenant Koudoukou. Sur un effectif de 5 500 dont 3 600 présents à Bir-Hakeim, la Brigade compte encore 4 274 hommes valides et 229 blessés hospitalisés en Egypte. Les pertes subies pendant les combats du 27 Mai au 11 Juin s'élèvent à 332 tués (4) et 620 prisonniers blessés pour la plupart.

Et Bir-Hakeim n'est pas encore tombé, les troupes de l'Axe l'assiège toujours, Rommel fait venir en renfort la 15èmePanzers qui, avec la 90ème Légère allemande, la Division ''Trieste'' , les 3ème, 33ème, et 580ème Groupes blindés de reconnaissance, doit participer à l'assaut aval le 11 Juin. Tôt le matin, une formation aérienne importante survole longuement la place, sans provoquer de réaction de D.C.A, elle s'en retourne. Les vingt et un Groupes d'artillerie terminent leurs tirs de réglage, aucune réplique ne vient frapper les premières lignes allemandes, le tir cesse. L'infanterie progresse, entre dans la place où quelques soldats, blessés pour la plupart, tirent leurs dernières cartouches.

Que s'était-il donc passé au cours de la nuit écoulée?.... Le silence retombe sur ce coin de désert qui entre dans ''l'Histoire''.

Le 15 Août 1942, le cargo ''Nino Bixio'' , qui transporte quatre cents des nôtres, prisonniers, à Brindisi, est torpillé par un sous-marin, cent cinquante-quatre survivants de Bir-Hakeim sont portés « disparus en mer ».

 

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