jeudi 7 novembre 2013

Le débarquement en Normandie, suite

Le débarquement en Normandie, suite
C’est dans cette partie du livre, que Beevor utilise au maximum l’immense documentation à sa disposition. J’avoue que la description, quasi heure par heure, de l’avancée de telle division, régiment, à la côte près, chaque mouvement, attaque et contrattaque, chaque arme ou véhicule utilisé, devient un peu rébarbatif. Les cartes en tête de chapitre aident, mais il devient difficile de d’appréhender l’ensemble. C’est sans doute les limites du livre, si l'aspect logistique de la Grande Muette n’est pas dans vos priorités, ce qui est mon cas !… Mais il suffit de lire en diagonale, et de retomber plus loin sur une analyse stratégique, ou politique, à mon sens plus intéressante. Comme les suppliques de Rommel et des généraux allemands, qui cherchent en vain à convaincre Hitler d’engager plus de moyens. Le Führer avait le nez dans ses cartes, et sa vision du conflit normand était totalement biaisée par son absolue confiance en lui-même. Il était persuadé que lancer ses bombes volantes sur Londres, briserait le moral des anglais, qui capituleraient. Ses commandants en chef, sur place, dans le concret, se lamentent, et Hitler les traitent de lâches et d’incapables. Il n’avait confiance qu’en ses divisions de la Waffen SS, dopées à coup de propagande, prêtent à mourir pour le chef, et persuadées qu’une défaite entrainerait la chute de leur civilisation aryenne.
C’est un des éléments que n’avaient pas prévu les alliés. L’engagement total et la discipline des allemands. Un soldat anglais aurait-il déclaré être prêt à mourir pour Churchill ? Beevor cite le cas de ce SS blessé refusant une transfusion sanguine… venant d’un anglais, préférant mourir que de vivre le sang souillé… Hitler se méfiait des officiers de la Wehrmacht, l’armée régulière allemande, pourtant beaucoup plus au fait des choses de la guerre. Hitler change son état-major au gré de ses humeurs, remplace Rommel par Von Kluge (lui même remplacé plus tard, parce que sa voiture ayant été mitraillée, il était resté dans un fossé pendant 12 heures, ne pouvant reprendre la route. Ce "trou" dans son emploi du temps, sans "alibi", ne pouvait qu'être un acte de traitrise...) qui se rendra compte rapidement lui aussi que l’avancée des anglo-américain est inexorable. Non pas que les alliés aient plus de rage au ventre, plus de talent, de meilleurs armes. Mais ils avaient le nombre. Un réservoir humain et matériel quasi infini. Et la suprématie aérienne des alliés, au grand dam de Rommel, qui pestait tous les jours contre l'absence de la Luftwaffe dans le ciel normand.
Le 20 juillet 1944 n’arrange rien. En Prusse, Hitler échappe à un énième attentat. Il est persuadé que le coup vient de l’état-major de la Wehrmacht. Il n’a pas tort ! Von Kluge, Rommel, tous les grands responsables de l’armée avaient donné leur consentement, arrivés à la conclusion que seule la disparition de Führer, pourrait arrêter cette guerre perdue d’avance, éviter un massacre inutile, et se recentrer sur Staline et le front de l’Est. Hitler purge son commandement de plus belle. Les divisions de la SS sont rappelées à la rescousse, freinées dans leurs mouvements par la Résistance Française, et les bombardements alliés. Les représailles, massacres, déportations se multiplient en chemin.
A propos des actes de violences, Anthony Beevor prend soin de citer les cas avérés dans les deux camps. Il faut avoir à l’esprit que pour les soldats américains, la France était une terre inconnue, peuplée de boches et d’espions. C’était un territoire ennemi à envahir, et non une nation qu’il fallait libérer. Les exactions et les pillages, hélas, eurent lieu des deux côtés, sans pour autant atteindre la cruauté des divisions SS qui se complaisaient dans la violence. De même, Anthony Beevor évoque aussi les bombardements alliés sur les populations civiles, parfois par erreur, parfois non, dans la volonté de détruire le moral du camp adversaire par une démonstration de puissance. A Caen, 8000 maisons restèrent debout pour 60 000 habitants… Les anglais, qui subissaient le Blitz, déploraient, mais exécutaient.
La dernière partie du livre s’attache à l’opération Cobra, la dernière phase, le déferlement des troupes, alors que l’ennemi bat en retraite dans chaque coin. Les soldats allemands, comme leurs officiers, sont démoralisés, ils manquent d’essence, de munitions, de nourriture. Et cette question : faut-il contourner ou passer par Paris ? De Gaulle, Koenig, Leclerc, officiellement sous les ordres d’Eisenhower, mais qui n’en font qu’à leurs têtes, sont évidemment partisans d’une entrée dans Paris. Pour le symbole, mais aussi pour éviter aux FFI, la Résistance d’obédience communiste, de prendre le pouvoir dans la capitale une fois les allemands délogés ! Plus tard, dans Paris, ce fut la course folle entre le colonel Rol-Tanguy, chef des FFI communistes en ile de France, et qui déjà organise les barricades, et Leclerc, représentant de la droite conservatrice, affolé à l’idée d’arriver second ! Churchill, lui, préférerait foncer vers l’Est. Il avait compris, avant les Américains, que le problème suivant serait le cas Staline, qui avançait de plus en plus vers l’ouest. Roosevelt pour sa part, ne voulait absolument pas installer De Gaulle au pouvoir, estimant que s’auto proclamer chef de la France Libre ne cadrait pas dans une démocratie !
Avec la victoire qui approche, Beevor raconte aussi le début de l’épuration, la vengeance franco-française, les exécutions sommaires, les défilés de femmes tondues pour « collaboration horizontale ». Puis c’est la marche sur Paris, les Américains offrant à la 2è DB du général Leclerc la primeur d’entrée dans la capitale, tenue par le général Von Choltitz, qui quelques minutes avant son arrestation déjeunait avec ses cadres à l’hôtel Meurisse.
La bataille de Normandie a été pratiquement aussi meurtrière (sur trois mois) que le front Russe. 240 000 soldats allemands ont été tués, plus 200 000 prisonniers. Plus de 200 000 morts du côté allié, plus 17 000 morts ou disparus pour l’aviation. A cela s’ajoute 20 000 civils français tués pendant cette campagne, et 15 000 de plus pendant la phase des bombardements préparatoires au débarquement. La région a été dévastée, les habitations rasées, détruites, les troupeaux décimés, les routes et les champs étaient jonchées de carcasses de tanks, jeeps, camions, avions… On peut comprendre l’amertume des Normands. Lourd tribu, mais qui a permis de chasser l’occupant hors des frontières, et de mettre un terme à la guerre un an plus tard. Oui, le débarquement en Normandie ne s’est pas déroulé comme prévu, les alliés n’ayant pas pris la mesure de la combativité des allemands, pilonnés par la propagande SS, ni pu prévoir la météo pluvieuse de juin, qui rendit le terrain impraticable. Et si Rommel et Von Kluge avait eu carte blanche pour organiser la défense de la zone ? Et si les Américains avaient été repoussés en mer ? Et s’ils avaient débarqué deux semaines plus tard, alors que la tempête du siècle faisait rage dans la manche ?
Difficile pour moi de juger si ce bouquin est l’œuvre définitive sur la bataille de Normandie. Il constitue en tout une accumulation de documentations gigantesque. Antony Beevor entrelace habilement les aspects stratégiques, politiques et militaires, parsemant son récit de témoignages poignants, incroyables, parfois truculents. Comme un cinéaste qui passerait du plan d’ensemble à la grue, aux plans caméra-épaule, au plus près des acteurs du conflit.
Le général Dietrich Von Choltitz
Voilà bien un article que je n'aurais jamais pensé écrire. Lisant ça et là, plusieurs informations sur la seconde guerre mondiale, j'ai été confrontée plusieurs fois au nom de cet officier allemand, au point que j'ai voulu en savoir plus sur lui.
Dietrich Von Choltitz est né le 9 novembre 1894 en Silésie. Il a combattu dans la Première Guerre mondiale et a été promu au grade de lieutenant. À la fin de la guerre, il reste dans l'armée et en 1929 il atteint le grade de capitaine dans un régiment de cavalerie.
En 1938, Choltitz est commandant du 3ème bataillon du 16ème régiment d'infanterie aéroporté. Lorsque la guerre est déclarée, il prend successivement part aux campagnes de Pologne, de Hollande, de Belgique et de Russie. Promu au grade de colonel, puis général, il participe également au siège et à la prise de Sébastopol en Juin 1942.
D'abord envoyé en Italie, en 1944, il prend le poste de général en charge du 84ème corps d'armée en Normandie. Son échec à stopper les alliés déplait fortement à Hitler qui le transfère à Paris. Dietrich Von Choltitz est donc nommé gouverneur militaire de la garnison de Paris le 7 août 1944. Son quartier général est installé à l'Hôtel Meurice, somptueux palace situé face aux Tuileries. Les Allemands sont encore 20.000 à défendre la capitale, équipés de chars alors que l'insurrection n'a aucune arme à leur opposer, ils se replient pourtant sous les ordres de Von Choltitz qui accepte le cessez-le feu le 19 août.
Dietrich Von Choltitz a vécu les monstrueuses et aveugles destructions qui ont laissé la Normandie comme un champ de ruines. Il refuse d'être celui qui détruira Paris de la même manière. Il désobéit aux ordres d'Hitler qui voulait faire sauter tous les ponts sur la Seine et laisse la capitale française intacte. On sait que Von Choltitz a également négocié avec la résistance française dans le but de faire le moins de victimes possible alors que les ordres étaient de tenir jusqu'à la dernière munition.
Le général Von Choltitz a publié son témoignage en octobre 1949 dans le Figaro. Il y explique qu'il n'a pas exécuté les ordres reçus de détruire Paris parce qu'ils émanaient d'un fou.
Dans une lettre adressée à une correspondante allemande adressée le 24 mai 1947, il écrit : "Je n'ai ni détruit ni incendié leur ville, parce que j'ai voulu épargner cette honte au peuple allemand et ne pas détruire une ville sans motif et tout particulièrement une ville comme Paris qui est le siège de toutes les cultures. Ce fut une chance pour moi que je me sois rendu chez Hitler peu auparavant, et me trouvant pour la première fois de ma vie en face de lui, je me suis rendu compte que j'avais devant moi un fou, ce qui a naturellement allégé ma conscience de soldat et je n'ai exécuté sous aucun prétexte ses ordres de destruction."
Hitler lui pose la question : "Paris brûle-t-il ?" (1)
En réponse , le 25 août, le général Von Choltitz capitule devant le général Leclerc et le colonel Rol-Tanguy, commandant des FFI de l'Île-de-France, à la Préfecture de police de Paris. Prisonnier de guerre jusqu'en 1947, Dietrich Von Choltitz est mort le 4 novembre 1966. Ses funérailles, à Baden-Baden ont été suivies par de hauts officiers de l'armée française. Ils avaient pour lui de l’estime.
Il est clair que Paris doit sa splendeur historique actuelle à Dietrich Von Choltitz. Personnellement, je trouve dommage que parmi ceux que naïvement on nomme les libérateurs de la France ne se soient pas trouvés des hommes de cette intelligence et de cette honnêteté. La Normandie aurait gardé de son passé un patrimoine architectural intéressant et riche au lieu de vivre sur les vestiges d'une guerre qui n'en finit pas

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire