jeudi 21 novembre 2013

Situation du front de l’ouest en 1944


Situation du front de l’ouest en 1944

Alors que Patton voulait foncer vers Brest et Lorient à marche forcée, en profitant à plein de l'appui tactique de la résistance bretonne survoltée, Bradley, plus prudent - et dont les troupes étaient éprouvées par l’équipée normande - s’était méfié d'une contre-offensive sur ses flancs ou ses arrières ; il avait préféré envoyer Grow s'emparer de Saint-Malo et de Morlaix avant d'attaquer Brest, et il avait détourné Wood de Lorient pour investir d'abord Rennes et Vannes. Middleton qui commandait le 8è corps, englobant les deux divisions blindées, ne parviendrait jamais à trancher entre ces deux plans… Alors qu’ils étaient engagés dans la tactique définie par Patton, il donna l'ordre à ses deux divisionnaires de stopper leur progression et d'adopter le plan de Bradley. Grow devrait donc faire un détour par Dinan. Quant à Wood, déjà auréolé de la prise d’Avranches et ne souhaitant pas moisir en Bretagne, il avait foncé vers le sud et déjà atteint Derval le 3 août, Châteaubriant le 5. Des éclaireurs étaient même parvenus aux portes de Nantes… Lorsqu’on lui ordonna de tourner casaque !… Mais il faudrait attendre les camions d’essence pendant deux jours pour réexpédier Clarke de Derval vers Vannes, et Dager, de Châteaubriant vers Lorient !

Les conséquences de cette reculade furent irrémédiables pour les poches de l’Atlantique. Alors que l'amiral Matthiae n'aurait sans doute pas sacrifié ses équipages de Kriegsmarine dans un combat inégal et aurait sans doute rendu les clés de Lorient, l'arrivée de Fahrmbacher et de sa Wehrmacht changea la donne. Commandant en chef des troupes de l'ouest depuis un mois, Fahrmbacher était un homme de décision, un chef militaire redoutable, tout dévoué à son Fürher. Il mit ces quelques heures de répit à profit pour réorganiser ses vingt-cinq mille soldats et marins - dont pourtant, seulement un sur dix savait se battre à terre - derrière les défenses des installations portuaires et de la base sous-marine de Lorient, le repaire inexpugnable d'où étaient partis durant toute la guerre les raids mortels des U-Boote. Lorsque Patton, furieux, donna l'ordre de virer de bord et de reprendre la marche sur Lorient et Brest, on avait perdu vingt-quatre heures... Vingt-quatre heures qui coûteraient sept semaines d'enfer aux populations de Brest, neuf mois d'angoisse et de destructions à celles de Lorient, Saint-Nazaire, la Rochelle et Royan. Il est vrai que sur le grand échiquier de la guerre, ces cases oubliées semblaient de peu de valeur.

Ce qu’ignoraient sans doute tous ces généraux, c'est que dans la nuit du 4 août, Monty avait télégraphié à Londres que la situation en Bretagne était somme toute satisfaisante, que les troupes engagées suffiraient à la tâche et que la partie se jouait à l'Est. Alors que Fahrmbacher repoussait l'ultimatum US et contre-attaquait vers Auray et Vannes pour maintenir ses lignes de communication avec Saint-Nazaire, les blindés de Wood rappelés par Patton l'en empêchaient, prenaient Vannes et fonçaient enfin vers Lorient où les deux cent canons d’artillerie de marine avaient déjà été retournés vers le continent tandis qu’à Hennebont, les Allemands avaient fait sauter le pont sur le Blavet. Devant une telle ceinture de feu, il aurait fallu un appui aérien et de l’infanterie… Les blindés US firent la pause, négligeant l’appui tactique que constituaient les bataillons FFI. Ceux-ci, pourtant, ne se laissant pas impressionner, franchirent la rivière, s'emparèrent d’Hennebont puis des hauteurs de Caudan dominant le port de Lorient… Avant d’attendre neuf mois pour camper sur le quai des Indes.

Pour les FFI et FTP bretons, cette reculade ne serait jamais admise ; de même que les blessures de Saint-Marcel et du débarquement fantôme de Quiberon ne seraient jamais cicatrisées. Jusqu’à la fin, ils auraient une revanche à prendre et ils se méfieraient des tergiversations d'état-major. Rappelons en effet que dans la nuit du 5 au 6 juin 44, soit six heures avant le débarquement en Normandie - et alors que Saint-Nazaire essuyait de violents bombardements de diversion - plusieurs commandos parachutistes furent largués sur le Morbihan et les Côtes-du-Nord… Avec l'aide de la résistance locale, ils avaient pour mission de sécuriser deux zones de parachutage destinées à accueillir un régiment complet avec l'armement adéquat… * Tout cela en prévision d'un débarquement bis sur la presqu'île de Quiberon qui fixerait dans cette région des divisions allemandes qu'on enverrait sinon sur le front normand ! Rien de moins. Consignes contradictoires, chicaneries entre FTP et FFI sur la répartition des armes, manque d'esprit de suite de l'état-major allié, l’opération tourna au fiasco. On avait créé dans les rangs de la résistance bretonne un espoir insensé. Dans l'enthousiasme et l’improvisation, elle avait été conduite à de multiples imprudences dont les conséquences seraient désastreuses. C'est dans ce cadre que s'inscrivit la défense du maquis de Saint-Marcel entre le 18 et le 20 juin 44 et que s’abattirent les représailles sur les populations riveraines de cette « petite France » faussement libérée. Comme on le rééditerait un mois plus tard dans le Vercors, on venait d’engager des milliers d’hommes sous-équipés dans un combat perdu d’avance.

 

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