La
question a quelque chose de choquant. C'est curieux, parce qu'on ne trouve pas
choquant de parler de tel ou tel aspect de la divinité, mais l'humour ? Pourquoi
cette hésitation ? Je pense que c'est parce que l'humour fait appel à des
processus neurophysiologiques très complexes qui déclenchent en nous des
réflexes corporels comme le rire, ou qu'il va solliciter des régions de notre
cerveau qui vont susciter notre adhésion ou la répulsion, nous faisant perdre le
contrôle de nous-mêmes à des degrés divers. On voit que là, on touche à quelque
chose de très intime qui nous rend vulnérables, terriblement
…humains.
Et
précisément Dieu est Dieu et non pas un homme… Il n'est d'ailleurs peut-être pas
superflu de déconseiller de tester le sens de l'humour de Dieu à ses dépens. Il
y a beaucoup d'histoires mettant Dieu en scène. Le 3e commandement (Exode 20:7)
ne laisse aucune ambiguïté : il nous dit que Dieu ne laissera pas impuni celui
qui prendra son nom en vain. Veillons sur nos bouches et nos
oreilles.
Un
propos ou une situation est humoristique ou burlesque quand il ou elle s'écarte
de façon insolite de la norme : une caricature va accentuer un nez en trompette
ou un menton un peu fort, un drôle est quelqu'un qui ne vit pas comme tout le
monde, on va rire d'un monsieur bien habillé qui reçoit une tarte à la crème sur
le visage ; or Dieu est Celui qui fixe La Norme, La Loi, Le Commandement, non
pas pour nous embêter, mais pour que nous vivions heureux. L'insolite ne devrait
pas logiquement faire partie de son registre.
Certains
vont jusqu'à dire que ce qui fait la singularité de la Bible est son total
manque d'humour. Il est vrai que dès les premières pages on voit l'homme
confronté au péché et à ses conséquences ; il n'y a pas de quoi rire. Le psaume
59:15 nous dit que 'Dieu voit, d'un regard indigné qu'il n'y a plus de droiture.
Il voit qu'il n'y a pas un homme, il s'étonne que personne n'intercède …'
Comment avoir de l'humour en voyant les hommes se déchirer, s'exploiter, se
faire la guerre ?
De
plus, Dieu est saint, Dieu est amour, ce qui exclut au moins 90% de ce que le
monde trouve drôle et sans nul doute, ce n'est pas dans les évangiles qu'on va
trouver un recueil de blagues à recaser le lundi matin, devant la machine à
café.
Pourtant,
l'humour est aussi un moyen de communication très puissant : je me souviens
souvent du prêche de tel ou tel pasteur à cause des anecdotes humoristiques
qu'il aura insérés dans sa prédication. Pourquoi Dieu s'en priverait-il ? Sa
Parole, exposée dans la Bible, loin d'être un long exposé fastidieux de
doctrine, met en situation des hommes et des femmes en chair et en os, dans un
contexte vivant et parfois humoristique ; la prédication du royaume de Dieu par
Jésus est aussi émaillée de paraboles cocasses et de miracles étonnants, les
proverbes témoignent souvent de l'humour plaisant insufflé par le Saint-Esprit
dans les écrits de Salomon.
Ensuite,
si nous nous disons que nous sommes créés à l'image de Dieu et que l'humour fait
partie non seulement de nos traits culturels mais également comme on l'a vu des
processus neurophysiologiques très complexes qui interviennent dans notre
communication, il n'est pas exclu que nous partagions ce sens avec Dieu. Après
tout voyons-nous des pommes sur un arbre rire ou les vaches se raconter des
blagues ? Le rire est le propre de l'homme disait Rabelais après Aristote.
L'humour serait-il donc dans le souffle de vie que Dieu a insufflé dans l'homme,
à la différence des autres créatures ?
En
lisant les écritures, on voit que Dieu manifeste de l'ironie et du sarcasme
devant la prétention humaine : à propos des rois de la terre dans le Psaume 2 :4 Celui qui siège
dans les cieux rit, le Seigneur se moque d'eux. Dans un
registre plus doux, on voit Dieu provoquer le rire chez Abraham et Sarah quand
il leur fait annoncer par des messagers qu'ils auraient des enfants alors que
leur grand âge rendait cette bénédiction totalement incongrue.
Jésus
pour répondre aux questions malicieuses des pharisiens va deux fois répondre
avec humour. Dans Matthieu 12 il fait remarquer le portrait de César sur la
pièce de monnaie et dit de rendre à César ce qui appartient à César. Au
chapitre 17, il fait pêcher un poisson qui se trouve avoir une pièce de monnaie
suffisante pour payer l'impôt.
C'est
surtout dans les situations que Dieu manifeste son sens de l'humour. Il utilise
un gros poisson pour rattraper Jonas. Il utilise aussi l'ombre perdue d'un ricin
pour faire comprendre la méchanceté de son attitude avec cette question d'une
douceur et d'une ironie confondante : 'Fais-tu bien de t'irriter ? La scène de
Balaam avec son ânesse qui parle est aussi un grand moment d'humour divin. Une
mention particulière pour l'église de Jérusalem (Actes 12 :13) quand Rhode, la
servante ouvre la porte à Pierre qui vient de sortir miraculeusement des geôles
d'Hérode pendant que l'église est précisément en train de lutter dans la prière
pour sa libération. Et qu'entend
Telle
à son annonce ? 'Tu es folle', 'C'est son ange'.
Il
faut remarquer aussi que nous perdons beaucoup à la traduction : il y a des jeux
de mots qui nous échappent totalement.
Ce
n'est pas seulement dans la Bible que nous trouvons des exemples de l'humour de
Dieu. Le témoignage de Vincent sur notre site nous montre un homme violent et
raciste qui transformé par Dieu, devient doux et se marie avec une jeune femme
dont les parents sont … Au beau milieu de la Seconde Guerre mondiale, quand il
fallait travailler longtemps, dans le froid, avec la faim, cette jeune femme
épuisée s'écroule sur son lit et avant de sombrer dans le sommeil se fait le
reproche de ne pas avoir ouvert sa Bible. Prise de remords, elle se relève,
ouvre sa Bible au hasard et lit : Proverbes 6:9 'Paresseux, jusques à quand
seras tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ? Un peu de
sommeil, un peu d'assoupissement, Un peu croiser les mains en te couchant… Et
la pauvreté te surprendra, comme un rôdeur, Et la disette comme un homme en
armes.' Il parait que ça l'a réveillée !
Moquerie,
dérision, malice, l'humour de Dieu a malgré tout une constante : il utilise les
choses folles du monde pour confondre les sages. Dieu, qui s'est toujours servi
de la faiblesse pour accomplir son plan, utilise nos imperfections dans son
œuvre.
Enfin,
ce qui est le propre de Dieu, c'est qu'il fait naître en ses enfants la
jubilation : cette forme de joie mêlée de rire, ce soulagement intense d'une
situation d'oppression. Un sourire d'ébahissement apparaît sur nos lèvres : ce
qui était, n'est plus : Psaume 113 :5 Qui est semblable à l'Éternel, notre
Dieu ? Il s'élève très haut pour siéger ; Il s'abaisse pour regarder Les cieux
et la terre. De la poussière il redresse le faible, du fumier il relève le
pauvre, pour les faire siéger avec les notables, Avec les notables de son
peuple. Il fait habiter dans une maison celle qui était stérile, (Comme) une
mère joyeuse au milieu de ses fils. Louez l'Éternel !
Psaumes
126:2 Alors notre bouche riait de joie, Et notre langue poussait des cris de
triomphe ; Alors on disait parmi les nations : L'Éternel a fait pour eux de
grandes choses !
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