Lettre à Franz l’Eventreur
Mon cher Franz, regarde ta montre : il est 18H55, ce soir.
Je t’écris à la place de Maxime Le Boucher, mon frère jumeau, caché, désormais inutile, décédé ce soir d’une indigestion de saucisses pur porc que je lui ai fait avaler une par une.
Étudiant autodidacte, il adorait te lire à haute voix le soir à la veillée de Noël quand je crachais du sang à cause de ma maladie, et il aurait beaucoup aimé te rencontrer avant de mourir. C’est tant pis pour lui mais pour mon futur, c’est bien fait pour moi : je le haïssais de bon cœur, même si j’appréciais à sa juste valeur l’attention qu’il portait à notre mère, qui s’échinait à la tâche pour nous élever lui dans le silence et moi dans la folie. Gentil, il ne faisait jamais de sottises, et n’étant pas atteint de tuberculose comme moi, maman passait moins de temps avec lui, ce qui parfois me rendait un peu jaloux. C’est pour cela que je le détestais, car j’ai toujours eu horreur de l’haleine puante qui sentait le tabac de notre mère bien-aimée baisant mes joues. Je suis heureux qu’il ne soit plus vivant, il ne servait à rien. Il n’était que mon double. Moi je vis encore, comme toi Franz… pour le moment.
A ce sujet, il est écrit dans certains quotidiens de Dijon que tu vas tout de même bientôt passer l’arme à gauche mais je ne me résigne pas à croire à l’authenticité de cette information. Un écrivain aussi talentueux que toi ne meurt pas, et la récente métamorphose de ma mère en chenille est la preuve éblouissante que ton imagination, non seulement n’est pas le fruit du hasard mais qu’elle ne sombrera jamais dans l’anonymat, car sans nous connaître, sans nous avoir une seule fois rencontrés, tu avais pressenti grâce à tes pouvoirs spéciaux à la possibilité d’une transformation d’humain en insecte. Je trouve cela particulièrement exceptionnel même si venant de toi, plus rien ne m’étonne.car parfois n’est tu pas un peu fou.
Cela dit, je t’en veux quand même car il se trouve que maman ne va plus très bien maintenant. Elle repose silencieuse dans son lit depuis six longs mois déjà, et je n’ose même plus rentrer dans la pièce où mon frère et moi l’avions abandonnée, tant l’odeur est devenue insupportable. Je me demande si elle va bien. Peut-être que, comme un papillon, elle s’est envolée par la fenêtre et que je ne la reverrais jamais. Mais qui de la carcasse de chenille et de son insoutenable puanteur ? Que lui as-tu fait exactement ? Mon frère a-t-il été ton bras armé dans cette malencontreuse expérience ? Mais je m’égare peut-être. Nous en reparlerons tout à l’heure de vive voix.
Sais-tu que j’écris moi aussi ? Rien de véritablement bon, je te rassure, mais puisqu’il devient probable que je te survivrais un temps, il pourrait s’avérer judicieux que je prenne ta place, et que je devienne toi : Franz Caféine.
A travers ton identité, je pourrais sortir de l’anonymat et passer à la postérité. Je publierais donc, que cela te plaise ou pas, le procès et le château.
Au fait, accepterais-tu de prendre aussi à ta charge la mort de mon frère ? Cela m’éviterait de le faire fondre avec amour dans l’acide chlorhydrique. Max n’a peut-être jamais officiellement existé de son vivant, mais je ne souhaite pas conserver son corps avec la carcasse chrysalide de ma mère. Tu avais probablement des raisons de le tuer lui aussi…
Car vois-tu, la petite lettre que j’ai laissé dans sa poche t’accable : les échanges écrits que vous entreteniez tous les deux depuis ces trois dernières semaines avaient été ternis par la relation étrange de mon frère avec cette femme morte rencontrée au funérarium. Ce qui est écrit de sa main (certes sous ma contrainte mais personne n’en saura rien, si tu sais fermer ta gueule) montre bien que tu étais jaloux et terriblement meurtri par cet aventure pour le moins contre nature. Mais cessons là les écrits.
Il est 20h du soir. Je frappe à ta porte. Tu vas m’ouvrir et nous parlerons un moment.
Adieu Franz.
Je t’écris à la place de Maxime Le Boucher, mon frère jumeau, caché, désormais inutile, décédé ce soir d’une indigestion de saucisses pur porc que je lui ai fait avaler une par une.
Étudiant autodidacte, il adorait te lire à haute voix le soir à la veillée de Noël quand je crachais du sang à cause de ma maladie, et il aurait beaucoup aimé te rencontrer avant de mourir. C’est tant pis pour lui mais pour mon futur, c’est bien fait pour moi : je le haïssais de bon cœur, même si j’appréciais à sa juste valeur l’attention qu’il portait à notre mère, qui s’échinait à la tâche pour nous élever lui dans le silence et moi dans la folie. Gentil, il ne faisait jamais de sottises, et n’étant pas atteint de tuberculose comme moi, maman passait moins de temps avec lui, ce qui parfois me rendait un peu jaloux. C’est pour cela que je le détestais, car j’ai toujours eu horreur de l’haleine puante qui sentait le tabac de notre mère bien-aimée baisant mes joues. Je suis heureux qu’il ne soit plus vivant, il ne servait à rien. Il n’était que mon double. Moi je vis encore, comme toi Franz… pour le moment.
A ce sujet, il est écrit dans certains quotidiens de Dijon que tu vas tout de même bientôt passer l’arme à gauche mais je ne me résigne pas à croire à l’authenticité de cette information. Un écrivain aussi talentueux que toi ne meurt pas, et la récente métamorphose de ma mère en chenille est la preuve éblouissante que ton imagination, non seulement n’est pas le fruit du hasard mais qu’elle ne sombrera jamais dans l’anonymat, car sans nous connaître, sans nous avoir une seule fois rencontrés, tu avais pressenti grâce à tes pouvoirs spéciaux à la possibilité d’une transformation d’humain en insecte. Je trouve cela particulièrement exceptionnel même si venant de toi, plus rien ne m’étonne.car parfois n’est tu pas un peu fou.
Cela dit, je t’en veux quand même car il se trouve que maman ne va plus très bien maintenant. Elle repose silencieuse dans son lit depuis six longs mois déjà, et je n’ose même plus rentrer dans la pièce où mon frère et moi l’avions abandonnée, tant l’odeur est devenue insupportable. Je me demande si elle va bien. Peut-être que, comme un papillon, elle s’est envolée par la fenêtre et que je ne la reverrais jamais. Mais qui de la carcasse de chenille et de son insoutenable puanteur ? Que lui as-tu fait exactement ? Mon frère a-t-il été ton bras armé dans cette malencontreuse expérience ? Mais je m’égare peut-être. Nous en reparlerons tout à l’heure de vive voix.
Sais-tu que j’écris moi aussi ? Rien de véritablement bon, je te rassure, mais puisqu’il devient probable que je te survivrais un temps, il pourrait s’avérer judicieux que je prenne ta place, et que je devienne toi : Franz Caféine.
A travers ton identité, je pourrais sortir de l’anonymat et passer à la postérité. Je publierais donc, que cela te plaise ou pas, le procès et le château.
Au fait, accepterais-tu de prendre aussi à ta charge la mort de mon frère ? Cela m’éviterait de le faire fondre avec amour dans l’acide chlorhydrique. Max n’a peut-être jamais officiellement existé de son vivant, mais je ne souhaite pas conserver son corps avec la carcasse chrysalide de ma mère. Tu avais probablement des raisons de le tuer lui aussi…
Car vois-tu, la petite lettre que j’ai laissé dans sa poche t’accable : les échanges écrits que vous entreteniez tous les deux depuis ces trois dernières semaines avaient été ternis par la relation étrange de mon frère avec cette femme morte rencontrée au funérarium. Ce qui est écrit de sa main (certes sous ma contrainte mais personne n’en saura rien, si tu sais fermer ta gueule) montre bien que tu étais jaloux et terriblement meurtri par cet aventure pour le moins contre nature. Mais cessons là les écrits.
Il est 20h du soir. Je frappe à ta porte. Tu vas m’ouvrir et nous parlerons un moment.
Adieu Franz.
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