Roman
d’amour d’Emilie Rose (1)
Promesses à
Sutherland Farm, d’Emilie Rose
Une
main posée sur son ventre, Megan a du mal à assimiler la nouvelle. Xavier, dont
elle partage la vie depuis des mois, va en épouser une autre... Un mariage
arrangé, dit-il, auquel il ne peut se soustraire. Tremblante, vibrante de
colère, Megan s'enfuit à Sutherland Farm. Là, au milieu des chevaux qu'elle
aime tant, elle pourra se ressourcer, elle en est sûre. Et préparer l'arrivée
du bébé de l'homme qui vient cruellement de briser son cœur et ses rêves. Mais
au moment où elle commence à reprendre son destin en main, Megan apprend que
Xavier a loué le ranch voisin du sien...
Les tabloïds ont encore
frappé !
Après cette déclaration à
l’emporte-pièce, Megan Sutherland laissa tomber le journal sur la table de la
cuisine, juste devant Xavier. Puis elle se pencha vers lui pour l’enlacer
par-derrière, se délectant de la chaleur de son cou, de l’odeur subtile de son
parfum personnalisé, de la fermeté de son torse, de sa chevelure brune et
épaisse qui lui chatouillait la joue.
Comme toujours, cette intimité
déclencha en elle un frisson de bonheur et d’anticipation. Un jour ou l’autre,
les trois mots qu’elle luttait ardemment pour ne pas prononcer finiraient par
lui échapper. Mais aujourd’hui encore, elle les refoula : Xavier n’était
pas prêt à les entendre. Tout comme il ne l’était pas pour la nouvelle qu’elle
avait à lui annoncer.
S’efforçant de penser à autre
chose, elle se dirigea vers la cafetière pour se doper à la caféine en vue
d’affronter la journée bien chargée qui l’attendait.
— Donnez quelques millions de
dollars à un homme, plus un empire dans le monde de la parfumerie, et vous
pouvez être sûr que les tabloïds déborderont de créativité. C’est incroyable,
tu ne trouves pas ? fit‑elle en le regardant par-dessus son épaule.
Il ne répliqua pas par le rire
joyeux qui ne manquait jamais de la troubler : la cuisine demeura
curieusement silencieuse tandis qu’elle remplissait sa tasse de café.
Surprise, elle se retourna.
— Tu n’as pas entendu ce que je
viens de te dire ?
— Si, répondit‑il d’une voix
tendue.
La façon dont il fixait la page
dépliée devant lui l’inquiéta un peu. Soudain, il leva la tête et leurs regards
se croisèrent. Elle sentit son estomac se nouer en apercevant la dureté de ses
yeux verts.
— Ce sont des mensonges, n’est‑ce
pas, Xavier ? demanda-t‑elle, gorge serrée.
— Non.
Elle fut prise d’un vertige. Sa
main trembla, elle agrippa sa tasse. Trop tard. Elle venait de renverser du
café sur le sol. Posant la tasse sur le comptoir, elle prit une éponge et se
pencha pour essuyer les éclaboussures et se donner le temps de retrouver une
contenance. De toute façon, elle n’aurait pas dû boire de café, mais comme le
docteur n’avait encore rien confirmé…
Elle ne devait pas se mentir à
elle-même ! Elle savait sans l’ombre d’un doute qu’elle portait l’enfant
de Xavier.
Lentement, elle se redressa,
les jambes en coton.
— Mais l’article prétend que
cette blonde est ta fiancée et que tu vas l’épouser dans un an, articula-t‑elle.
— C’est exact.
Elle se figea, tétanisée. Il
lui fallut quelques secondes pour reprendre sa respiration.
— Et nous ? Finit‑elle par
demander.
— Tout cela n’a rien à voir
avec notre relation, Megan. Ce mariage est arrangé depuis des années.
Cette fois, son sang se glaça.
— Des années ? S’écria-t‑elle.
Tu es fiancé depuis des années… et tu ne m’as rien dit ?
— Je n’en ai pas vu l’utilité.
Notre relation n’était pas censée durer éternellement. C’était juste une
liaison. Et tu le sais depuis le début.
Une liaison ?
Il aurait été moins douloureux
pour elle d’être piétinée par un cheval que de l’entendre prononcer des paroles
aussi cruelles.
— Je sais qu’au début nous
avions dit que c’était une relation sans attache, mais…
Il se trouvait qu’à un moment
donné, au cours des six mois qui venaient de s’écouler, elle était tombée
amoureuse de Xavier Alexandre. Elle avait succombé à son charme unique, son
raffinement mondain et ses prouesses exceptionnelles au lit. Désormais, elle
désirait qu’il soit bien plus pour lui qu’une liaison dont elle se souviendrait
avec tendresse. Elle le voulait pour toujours… Et elle avait cru qu’il
partageait ce désir, puisqu’il passait tout son temps libre avec elle.
Il n’y a pas de
« mais » qui tienne, reprit‑il. Il est de mon devoir d’épouser Cécille.
Cécille. Ce
prénom fut comme une gifle.
— Est‑ce que tu l’aimes ?
trouva-t‑elle la force de demander.
Elle redoutait tellement la
réponse qu’elle sentit son estomac se contracter.
— En l’occurrence, mes
sentiments n’ont aucune importance, répondit‑il.
— A mes yeux, si !
— Il s’agit d’une transaction,
Megan. Rien de plus.
Une transaction ? Comment
l’homme le plus passionné qu’il lui ait été donné de rencontrer pouvait‑il se
montrer aussi froid et calculateur vis-à-vis d’un sujet aussi important et
intime que le mariage ?
— Est‑ce que tu couches avec
elle ?
— Cela ne doit pas te
préoccuper, Megan !
— Pardon ? Je te rappelle
que nous dormons ensemble presque toutes les nuits depuis six mois, ce qui me
donne tout de même le droit de savoir si je te partage avec une autre. Est‑ce
que tu couches avec elle ? répéta-t‑elle.
— Il n’y a pas eu d’autre femme
depuis toi, lui répondit‑il. Est‑ce que cela te satisfait, ma cavalière
préférée ?
Il avait insisté sur ces mots,
mais cette fois, cela ne la fit pas sourire. Pas plus que le fait de savoir qu’il
n’était pas passé de son lit à celui d’une autre ne la calma !
— Tu as donc l’intention de
maintenir le mariage ? De l’épouser ?
— C’est une question d’honneur.
— Ah bon ? Et tu peux me
dire où était ton honneur quand tu me faisais croire que nous avions un avenir
ensemble, au-delà de nos ébats et des chevaux ?
Il fronça les sourcils.
— Est‑ce que je t’ai déjà fait
des promesses que je n’ai pas tenues ? S’enquit‑il.
— Non, mais je pensais que…
Elle tordit l’éponge qu’elle
tenait encore à la main.
Du moins, poursuivit‑elle,
j’espérais que nous finirions par nous marier. Et fonder une famille…
— Est‑ce que je ne t’ai pas
dit, dès le départ, que je ne pourrais jamais t’épouser ?
La douleur était si intense
qu’incapable de prononcer un mot elle se contenta de hocher la tête.
— Et que je n’aurais jamais
d’enfant illégitime ! C’est pour cette raison que nous utilisons toujours
des préservatifs.
Elle ne pouvait pas prendre la
pilule, car elle ne la supportait pas. Or, les préservatifs n’étaient pas
toujours infaillibles, ainsi qu’elle venait de l’apprendre ! Elle résista
à l’envie de poser ses mains sur son ventre, comme pour protéger le bébé qui y
grandissait…
Elle avait toujours eu un cycle
irrégulier mais, la veille, elle avait fini par se demander vraiment si elle
n’était pas enceinte. Elle avait alors acheté un test de grossesse, qu’elle
avait fait ce matin, avant son jogging quotidien. Elle avait l’intention de
l’annoncer à Xavier le soir même, au cours d’un dîner romantique en tête à
tête. Elle aurait eu d’ici là le temps de trouver la formulation adaptée.
Mais à présent, tout avait
changé, et aucune formulation ne pourrait rattraper la situation, s’il était
résolu à en épouser une autre.
Atteinte dans sa fierté, elle
répliqua avec colère :
— J’ai pourtant eu l’impression
que tu avais changée d’avis quand tu as acheté cette maison en bordure de ta
propriété et que tu m’as demandé de m’y installer. D’autant que tu
m’accompagnais dans chaque ville où je courais les Grands Prix pour pouvoir
coucher avec moi.
— Et aussi pour te voir
chevaucher mes pur-sang. Ce sont trois investissements forts onéreux. J’ai
adoré le temps que nous avons passé ensemble, Megan, et je continuerai d’en
apprécier chaque moment que nous partagerons, jusqu’au dernier.
— Jusqu’à ce que tu me quittes
pour elle, compléta-t‑elle, indignée. Ta fiancée doit avoir son mot à dire dans
cette histoire, non ?
— Ma vie privée avant le
mariage ne la regarde absolument pas. Comme je te l’ai dit, c’est une union
arrangée. Ni Cécille ni moi ne nous faisons la moindre illusion sur un
sentiment aussi éphémère que l’amour.
L’amour qu’elle nourrissait
pour lui était tout sauf « éphémère », pensa-t‑elle alors. Il
occupait une place immense dans son cœur, et elle ne pourrait jamais l’en
déloger.
Xavier plia scrupuleusement sa
serviette, puis il se leva et s’approcha d’elle. Elle avait du mal à regarder
en face son beau visage aristocratique. L’absence de chaleur et de tendresse
dans ses superbes yeux couleur émeraude, quand ils s’étaient posés sur elle,
était insupportable. A cet instant, il avait vraiment l’air de l’homme
d’affaires impitoyable que décrivaient les médias, et absolument pas de l’homme
qu’elle croyait, de toute évidence à tort, amoureux d’elle. De l’homme qui la
traitait comme un bijou précieux et magnifique et qui l’acceptait comme elle
était, lui qui venait d’un monde bien plus sophistiqué que le sien.
Un costume italien d’une
facture impeccable soulignait sa silhouette élancée, ainsi que les muscles
puissants qu’il entretenait en sa compagnie, dans la salle de gymnastique qu’il
avait fait installer à son intention. Il était prêt pour prendre l’hélicoptère
qui l’emmènerait au siège des Parfums Alexandre, à Nice, tandis qu’elle se
rendrait aux écuries de sa propriété.
Seulement, cette fois, quand il
serait parti, elle ne passerait pas son temps à compter les heures, impatiente
qu’il revienne, pas plus qu’elle ne rêverait à leurs étreintes passionnées,
mais elle se rongerait les sangs en se demandant s’il était avec elle, la femme
qu’il avait l’intention d’épouser, et qui n’était ni éphémère, ni temporaire.
Qu’allait‑-elle devenir ?
Agacé, Xavier poussa un lourd
soupir.
— Megan, inutile de verser dans
le mélodrame. Notre relation reste inchangée. Nous avons encore douze longs
mois devant nous.
— Et tu crois que je vais
continuer à coucher avec toi alors que tu es fiancée à une autre ? fit‑elle.
L’idée était tout bonnement
inconcevable.
— Et après, qu’est‑ce qui se
passera ? Poursuivit‑elle. Tu l’épouseras et tu m’oublieras, comme si je
n’avais jamais existé ? Mais tout ce que nous avons partagé, Xavier, qu’en
feras-tu ? Tu en détruiras le souvenir, comme on jette un costume démodé,
ou un rasoir jetable ?
— Jamais je ne t’oublierai, ma
belle amante américaine, dit‑il alors en la fixant d’un regard intense.
Puis il effleura sa joue…
Ce délicat contact la fit
frissonner. Mécontente de sa réaction, elle recula d’un pas et s’efforça de
respirer aussi calmement que possible. Elle ne parvenait pas à comprendre
comment il pouvait la troubler à ce point après ce qu’il venait de lui annoncer !
Elle devait à tout prix se ressaisir.
— Et si je te demandais de
choisir entre elle et moi ? demanda-t‑elle à brûle-pourpoint.
— Tu ne peux pas faire une
chose pareille !
Son ton inflexible anéantit
tout espoir en elle. L’idée que l’homme qu’elle aimait passionnément ait pu lui
faire l’amour tout en projetant de lier son destin à une autre lui donnait
envie de hurler ou de tout casser. Pourtant, elle n’était pas le genre de femme
à piquer des colères.
Elle ne serait pas sa
maîtresse, c’était exclu ! Elle ne se contenterait pas des miettes que sa
future épouse voudrait bien lui laisser.
Et le bébé qu’elle
portait ? Se demanda-t‑elle brusquement. Et sa carrière ? Et sa
maison ?
Toute sa vie se trouvait
bouleversée par ce mariage inattendu. La panique la saisit… Pourtant, elle ne
devait pas y céder, mais s’efforcer au contraire de réfléchir, de trouver une
solution pour sortir du guêpier, ce dont elle était incapable tant que Xavier
la regardait. Elle reposa l’éponge sur l’évier.
— Je vais à l’écurie, déclara-t‑elle.
— Megan…Non, je ne veux plus
parler de ça maintenant. Les chevaux et les clients m’attendent.
— A ce soir, alors, dit‑il.
Elle retint une repartie
sarcastique. Pensait‑il vraiment la retrouver ce soir à la maison, partager
tranquillement son dîner avec elle, puis lui faire l’amour, comme d’habitude,
alors qu’elle serait obsédée par la pensée de cette autre à qui il allait unir
sa vie ? Il n’en était pas question !
Sans un mot, elle regagna sa
chambre pour se changer. Il ne chercha pas à la suivre, ce qui en disait long
sur son état d’esprit. Elle troqua ses vêtements de jogging contre une tenue
d’équitation. Ses cheveux étaient humides de transpiration, mais cela lui était
égal. Elle n’avait de toute façon pas le temps de prendre une douche, calcula-t‑elle
en enfilant ses bottes.
Elle remarqua alors que son
téléphone portable clignotait, ce qui signifiait qu’elle avait reçu un nouveau
message vocal. Incapable de l’écouter dans l’état d’agitation qui était le
sien, elle fourra l’appareil dans la poche de sa veste, sans même vérifier qui
l’avait appelée.
Elle se précipita ensuite hors
de ce qui, ce matin encore, représentait pour elle un paradis, un cottage
enchanteur qui faisait partie de la vie féerique qu’elle et Xavier s’étaient
créée. Au loin, elle entendit les pales de l’hélicoptère. Xavier était déjà
parti comme si cette journée — celle où il avait fracassé ses rêves et
détruit sa vie — était pour lui parfaitement identique aux autres.
Elle parcourut la moitié du
chemin qui menait à l’écurie, courant à perdre haleine, avant de s’arrêter pour
reprendre sa respiration près d’un arbre, s’assurant que son feuillage la
mettait à l’abri de l’hélicoptère. Elle s’adossa contre le tronc rugueux et
essuya du revers de sa manche son visage mouillé : c’étaient des larmes,
et non de la sueur… C’était aussi la première fois qu’elle pleurait depuis
l’annonce de l’accident d’avion qui avait coûté la vie à sa famille.
Elle prit plusieurs longues
respirations, sans parvenir à endiguer le flot de ses larmes. Elle était
enceinte, et le seul homme qu’elle s’était autorisée à aimer, le père de son
bébé, allait en épouser une autre…quel désastre !
En d’autres termes, cela
signifiait qu’il ne voulait pas de cet enfant.
Et elle, le désirait‑elle
toujours ?
Etant donné les circonstances
— les nouvelles circonstances — elle ne savait plus…
Une partie d’elle avait envie
de tenir dans ses bras la preuve de son amour pour Xavier. Mais sa partie
rationnelle lui disait que les enfants et les Grands Prix ne formaient pas une
combinaison gagnante. Seules quelques rares femmes jockeys parvenaient à
articuler avec succès maternité et compétition, et elles y arrivaient grâce au
concours de nourrices et de partenaires compréhensifs. Serait‑ce envisageable,
sans l’aide de Xavier ?
Elle effectuait de longues
journées et travaillait parfois sept jours sur sept, sans compter les
déplacements éreintants. Quel genre de mère serait‑elle, avec un emploi du
temps aussi infernal ? Son enfant en pâtirait forcément, puisqu’il
n’aurait pas de père pour combler ses absences. Etre mère célibataire n’aurait
rien de drôle et ne ressemblerait en rien à la joyeuse vie de bohême qu’elle
avait menée avec ses parents et son frère, avant le crash de l’avion.
Continuer cette grossesse
serait une incroyable gageure. Comment pourrait‑elle lui cacher son état si
elle restait en France ? Elle était enceinte de deux mois et son gros ventre
se verrait d’ici peu.
Essaierait‑il de la convaincre
d’avorter, ou bien se battrait‑il pour obtenir, par principe, la garde de
l’enfant ? Après tout, c’était aussi son bébé, et ce qui lui appartenait,
il ne le cédait pas à autrui. Eprouverait‑il un sentiment de possession envers
un enfant de l’amour non programmé ?
Peu importait. Elle ne
prendrait pas le risque de voir son bébé élevé par sa femme, une personne qui
ne l’aurait pas désiré et risquait fort de ne pas l’aimer, ni le chérir, voire
d’éprouver du ressentiment envers lui.
Cela, elle l’avait vécu dans sa
chair. Après la mort de sa famille, son enfance n’avait rien eu d’idyllique.
Même si son oncle l’avait accueillie chez lui, il ne s’était pas privé de lui
faire comprendre qu’elle était un fardeau et, surtout, l’enfant d’une femme
qu’il n’avait jamais appréciée.
Et qu’adviendrait‑il du
cottage, le chalet que Xavier avait achetée pour elle ? Même s’il le lui
laissait, elle ne pourrait pas continuer à y habiter s’il en épousait une
autre. D’autant que du cottage, elle jouissait d’une vue bien dégagée sur
l’allée de la propriété de Xavier. Elle ne supporterait pas d’apercevoir, tous
les jours, les allées et venues de sa femme : ce spectacle finirait de
l’anéantir.
Elle se pencha en avant,
plaquant ses mains sur ses genoux. Qu’allait‑elle faire ?
Elle sentit sa gorge se serrer.
Elle devait impérativement se concentrer sur le présent, au lieu de s’inquiéter
de ce qui risquait de se passer dans quelques mois. A chaque jour suffisait sa
peine.
Cette grossesse non désirée,
survenue à la suite d’un problème de contraception ne pouvait plus mal tomber.
Elle était sur le point de réaliser son rêve, c’est‑à-dire devenir un jockey et
un entraîneur de première catégorie en Europe. Non seulement ses chevaux
accumulaient les prix, mais elle signait de plus en plus de contrats exclusifs.
Elle entraînait une douzaine de bêtes par an. Elle avait la réputation d’être
une femme sur qui on pouvait compter quand un cavalier se blessait et avait
besoin d’être remplacé au pied levé.
Elle ne pourrait plus exercer
son métier quand elle serait enceinte. Or, se retirer de la compétition le
temps d’une grossesse signifiait perdre des classements et de l’argent sur les
chevaux que lui confiaient d’autres propriétaires. Pourrait‑elle les
reconquérir, après cette parenthèse ?
Se redressant avec lenteur,
elle croisa les bras sur son ventre. Avorter serait la solution la plus simple,
pensa-t‑elle, le cœur lourd. Mais le pouvait‑elle ? Elle n’en savait rien…
Ses pensées se résumaient à un fouillis de rêves brisés.
Toutefois, qu’elle garde ou non
le bébé relevait de sa propre décision. N’était‑-elle pas celle qui avait le
plus à perdre ? Quant à Xavier… ce qu’il ignorait ne pourrait le blesser.
Tant qu’elle n’avait pas fait
de choix, elle ne pouvait pas courir le risque que Xavier découvre sa
grossesse. Par ailleurs, elle devait s’éloigner de son influence. Mais où
aller ? Où se cacher ?
Avant de fuir pour panser ses
blessures et réorganiser sa vie, elle devait régler la question des chevaux,
ceux qu’elle possédait et ceux qu’elle entraînait pour d’autres propriétaires.
Même si elle n’avait pas du tout prévu ce qui venait de lui arriver, elle
restait avant tout professionnelle et souhaitait retrouver sa carrière après…
après ce qui se passerait, en fonction de ses choix.
Elle sortit son téléphone,
déterminée à régler les questions professionnelles afin de pouvoir se
concentrer sur ses problèmes actuels. Le numéro d’Hannah s’afficha alors comme
l’appel en absence qu’elle avait reçu tout à l’heure. Elle n’en fut pas
surprise. Entre sa cousine et elle, il existait une sorte de télépathie :
Hannah sentait toujours quand Megan avait besoin d’elle et elle la soutiendrait
quelle que soit sa décision. Elle lui offrirait un refuge pendant qu’elle
réfléchirait à son avenir.
Voilà qui résolvait le problème
du logement, se dit‑elle. Il était temps de quitter l’Europe et de rentrer à la
maison, en Caroline du Nord — l’Etat qu’elle avait fui une dizaine
d’années auparavant — pour mettre autant de distance que possible entre
elle et Xavier Alexandre.
Trois semaines venaient de
s’écouler, et le silence de Xavier pesait lourdement sur Megan. Il ne lui avait
pas donné la moindre nouvelle depuis qu’elle l’avait informé, par courrier
électronique, de son retour aux Etats-Unis.
Elle avait pourtant attendu
désespérément un signe de sa part. Ce qu’elle avait pu être naïve ! Elle
avait cru qu’elle lui manquerait tellement qu’il viendrait la retrouver pour
lui demander pardon… et lui demander sa main. Xavier était un battant, pas le
genre d’homme à baisser les bras. Sa société était un des leaders
internationaux du marché du parfum, ce qui témoignait de son ambition et de sa
ténacité.
Il lui était difficile
d’accepter que l’histoire d’amour la plus excitante qu’elle n’ait jamais vécue,
avec un homme qu’elle avait cru parfait, appartienne au passé. Et puis, les
circonstances de la rupture l’avaient profondément blessée ! Jamais elle
n’aurait cru possible de souffrir à ce point.
Mais la vie réclamait son dû,
et ce matin, c’était Hannah — et non Xavier — qui l’avait accompagnée
à son premier rendez-vous prénatal, un moment doux-amer, où le bonheur se
mêlait étroitement à la tristesse.
Elle n’avait jamais envisagé
d’avoir des enfants. Mais ses plans avaient changé quelque part au-dessus de
l’Atlantique, quand elle s’était rappelé la phrase préférée de la mère
d’Hannah : « La fin d’une chose est toujours le début d’une
autre. »
Enfant, ces paroles n’avaient
pas grand sens pour elle, mais aujourd’hui, elles étaient tout à fait adaptées
à sa situation. Le bébé marquait le début d’une nouvelle vie. A défaut d’avoir
Xavier, elle aurait malgré tout sa propre famille.
Prochain chapitre, très
bientôt.
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