La religion est-elle essentielle à l'homme ?
L’homme,
pour être distingué de l’animal et être identifié comme être humain, est
souvent définit comme « animal politique » ou « animal doué de raison ». En
effet, l’homme peut réfléchir et anticiper : il a des représentations.
L’animal, contrairement à cela suit son instinct et n’anticipe pas. Ainsi
l’homme s’organise en société avec des institutions pour le gouverner, tandis
que l’animal resté à l’état de nature, ne suit que son instinct et agit
individuellement, ou au mieux en meute. Mais alors, est-ce que la religion est
aussi un critère qui permet de distinguer l’être humain de l’animal ? Autrement
dit est-ce que la religion fait partie essentiellement ou extrinsèquement de l’homme ? L’on pourrait le penser, car la
religion apparaît comme un phénomène très ancien et l’on pourrait dire
universel. En effet, elle est présente dans presque toutes les sociétés
humaines. Mais alors, si la religion, est présente de tout temps et quelques
soit les cultures, l’on peut alors se demander si elle n’entre pas dans la
définition de l’Homme. Nous avons vu que l’homme se définit comme un animal « raisonnable »,
mais est-ce que cette définition est compatible avec celle qui nous occupe :
l’homme comme animal religieux ?
Cela ne
signifie évidemment pas que le Dieu des chrétiens (ou des juifs, ou des
musulmans) constituerait un « progrès » par rapport aux esprits antérieurs :
plus modestement, on peut seulement admettre qu'il comble des attentes ou des
désirs plus complexes que ceux auxquels répondent les croyances animistes ou idolâtres.
Si l'on croyait pouvoir admettre que la religion, sous prétexte qu'elle est
très répandue, est essentielle à l'homme, on rencontre ici une première
difficulté : l'humanité ne devrait-elle pas être divisée en différentes
versions, dès lors que l'on constate que ses attitudes religieuses
correspondent à des besoins différents ? Ce qui semble ouvrir la voie à toutes
les hiérarchisations concevables - de l'homme le plus « primitif » à l'homme le
plus « évolué » - prenant appui sur la complexité relative des croyances. Il
paraît plus prudent d'admettre que ce qui est « essentiel », c'est le
questionnement, le besoin de comprendre et d'expliquer des phénomènes, mais
peut-être pas le type religieux de la réponse apportée. [C. Évolution des
religions, ou de l'homme ?]Serait néanmoins concevable une histoire des
croyances, évoluant du plus simple » au plus « ambitieux » : ce serait alors le
même homme qui, au cours de sa propre histoire, passerait de l'animisme au
monothéisme, et manifesterait ainsi que la religion fait bien partie de son «
essence ». Mais un tel évolutionnisme, impliquant malgré tout la supériorité de
l'état final sur l'état premier, encourage encore la hiérarchisation des sociétés.
De surcroît, autrement dit, il semble porter une contradiction : comment une «
essence - celle de l'homme - peut-elle se manifester toujours semblable à
elle-même à travers des variantes historiques - celles de la religion ? Si l'on
considère que l'histoire compte, elle doit modifier aussi l'homme : que devient
alors son essence ?
Ainsi, il
faut, dans l'étude de la nature, insister davantage sur l'âme que sur la
matière, dans la mesure précisément selon laquelle c'est par l'âme que la
matière est nature, et non l'inverse; en effet, le bois n'est lit et trépied,
que parce qu'il est cela en puissance. » L'âme, qui fait l'animalité,
apparaît bien comme un principe animateur, qui distingue l'animal de la pierre.
C'est en ceci qu'elle est au principe de l'animalité, et, par transitivité, au
principe de l'homme. Objections : Contre la rationalité comme
différence spécifique : dira-t-on du fou ou de l’handicapé mental, tous
deux irrationnels, qu'ils ne sont pas des hommes mais seulement des
animaux ? Contre l'animalité comme genre : l'homme que des médecins
réaniment n'est-il plus un animal, mais seulement l'égal d'une pierre, entre
l'arrêt de ses fonctions vitales et le moment où il les retrouve ?
La méthode de la différence spécifique oppose par le biais de la rationalité
l'homme à l'ensemble des autres animaux. Nous avons critiqué la rationalité. Nous
nous interrogeons maintenant sur le bien-fondé de l'opposition elle-même.
Remarquons que cette méthode oppose également l'animal (donc l'homme), au
non-vivant, à ce qui n'est pas animé, par le biais d'un principe
animateur : l'âme. On peut alors s'interroger, comme notre introduction
l'a souligné, sur cette seconde opposition.
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